L’occasion d’un billion de dollars qui pourrait révolutionner les soins de santé des femmes.

Points saillants

  • Le secteur de la technologie féminine devrait représenter 4,8 billions de dollars d’ici 2025.
  • La sous-représentation des femmes dans les données sur la santé et dans l’écosystème technologique, notamment celui des investissements en capital-risque, représente une entrave à l’essor du secteur.
  • La trajectoire ascendante de la technologie féminine représente une excellente occasion de tirer parti d’un marché au potentiel vaste et aux besoins non satisfaits, à condition que les investisseurs puissent surmonter les tabous culturels qui touchent la santé des femmes. 

En 2014, Apple a lancé son appli Santé, un centre-entrepôt pour les données personnelles en matière de santé et de forme physique. Les utilisateurs d’un iPhone (et, plus tard, les utilisateurs d’une montre Apple Watch) ont dès lors pu consigner non seulement une foule de données concernant leur régime alimentaire, leur activité physique et leurs dossiers médicaux, mais aussi des données plus pointues comme leurs habitudes de sommeil, leur rythme cardiaque, leur taux d’alcoolémie, leur taille (pour ceux toujours en croissance), l’utilisation d’un inhalateur, et leur apport en calories et en sodium. Lors du lancement de l’appli, Craig Federighi, cadre de direction du secteur logiciel à Apple, a vanté l’appli : « Avec Santé, vous pouvez faire le suivi des données de santé qui vous préoccupent le plus. » 

Toutes, sauf une. 

Apple a omis un point qui touche plus de la moitié de la population : le cycle menstruel. Pourtant, voilà des siècles que les femmes qui ont des menstruations surveillent leur cycle à des fins de fertilité et de contraception, et les médecins posent couramment à leurs patientes des questions sur leur flux menstruel et la régularité de leurs règles. Le suivi du cycle menstruel fait partie intégrante de la santé biologique ; à ce titre, son omission par Apple saute au yeux

Apple a fini par ajouter la fonction à son appli. Toutefois, l’exclusion initiale en dit long sur la tendance du secteur technologique à négliger un marché pourtant important (et sur la sous-représentation de femmes en STIM). Elle illustre aussi les raisons pour lesquelles l’industrie de la technologie féminine connaît un tel essor.

Qu’est-ce que la technologie féminine ?

Le terme « technologie féminine » désigne un secteur florissant axé sur les besoins en matière de santé éprouvés uniquement, différemment ou majoritairement par les femmes, les filles, les personnes non binaires, les personnes trans et les personnes s’étant fait assigner le genre féminin à la naissance. Le secteur englobe une vaste gamme de technologies qui vont des applis de suivi de la fertilité et de la grossesse aux appareils pour la santé pelvienne, en passant par les outils de prise en charge de la ménopause

D’ailleurs, tout un sous-secteur s’est développé autour des technologies liées à la ménopause en partie grâce au financement par de grands noms comme Gwyneth Paltrow et Naomi Watts. Avec raison, puisque le marché pour ces produits est considérable : plus d’un milliard de personnes dans le monde éprouvent les symptômes de la ménopause.

Toutefois, il n’est pas question que de menstruations et de grossesse. Les avancées dans ce domaine technologique catalysent l’innovation en ce qui concerne les maladies chroniques dont les symptômes varient d’une personne à l’autre, et celles qui tendent à être diagnostiquées tardivement. Citons notamment la maladie d’Alzheimer, les maladies auto-immune et cardio-vasculaires, les troubles hormonaux, le cancer, les migraines, et bien plus encore. La liste est pratiquement interminable. 

Le terme « technologie féminine » a été forgé en 2016 par l’entrepreneure danoise Ida Tin, co-fondatrice et cheffe de la direction de Clue, une appli de suivi du cycle menstruel.  « Je me suis dit qu’il serait génial de créer une nouvelle catégorie permettant de désigner globalement ces entreprises, a-t-elle confié.   Cela permettrait aux investisseurs et aux médias de trouver ces entreprises et d’en parler plus facilement. »

L’envolée du secteur de la technologie féminine

Aujourd’hui, plus de 1 800 entreprises dans le monde relèvent de ce secteur de la technologie féminine. Au cours des dix dernières années, la portée du secteur s’est élargie pour couvrir tous les produits, services, outils de diagnostic, produits thérapeutiques, dispositifs portables et logiciels ciblant la santé et les expériences des femmes et favorisant l’équité en matière de soins. Selon FemHealth Insights, plus de 60 % des entreprises de technologie féminine en démarrage ont été fondées entre 2018 et 2022 et le nombre d’entreprises dans le secteur a augmenté de 1 000 % au cours des dix dernières années. 

Avec un marché mondial de près de quatre milliards de femmes (plus de la moitié de la population mondiale), le secteur devrait représenter plus d’un billion de dollars d’ici 2027, selon l’OSBL FemTech Focus. Femtech Canada, un organisme voué à l’avancement de l’innovation, de la commercialisation et de l’investissement en matière de santé féminine, prévoit qu’il pourrait dépasser les 4,8 billions de dollars dans la prochaine année.

Nous nous trouvons dans une nouvelle ère de bien-être féminin. Toutefois, malgré son potentiel immense (y compris au chapitre des profits), le secteur de la technologie féminine doit surmonter une gamme d’obstacles liés à des enjeux systémiques, notamment en ce qui a trait à l’ethnie, au sexe et à la classe sociale. Qu’il s’agisse d’un manque de compréhension, d’un manque de financement ou de préjugés, ces obstacles perpétuent un cercle vicieux qui rend les ressources et les capitaux nécessaires à la réalisation de leurs projets plus difficiles à obtenir pour les entrepreneures. 

Barrières à l’entrée dans le secteur la technologie féminine 

Recherche et course à obstacles réglementaire

La technologie ciblant la santé féminine, tout comme le secteur de la santé en général, fait l’objet d’une surveillance rigoureuse visant à assurer la sécurité des utilisateurs et la protection des données. En Amérique du Nord, les entreprises doivent non seulement obtenir l’approbation d’organismes gouvernementaux comme Santé Canada et la FDA, mais aussi se conformer à un éventail de normes et de cadres réglementaires en matière de soins de santé si elles veulent se déployer sur la scène mondiale. 

Fait notable : sauf exception, les femmes ont été exclues des études cliniques jusqu’en 1997 au Canada, et en 1993 aux États-Unis. Cette sous-représentation historique et systématique dans la recherche médicale, ainsi que le désintérêt des communautés scientifique et médicale à l’égard des problèmes de santé propres aux femmes, ont fait en sorte que les données nécessaires pour obtenir des autorisations réglementaires manquent. Il revient donc souvent aux entrepreneures en technologie féminine elles-mêmes de réaliser des études cliniques coûteuses et fastidieuses et d’obtenir des certifications. 

Financement de la technologie féminine : Pourquoi la plupart des sociétés de capital-risque tournent-elles le dos aux entreprises en démarrage du secteur ?

Les sociétés de capital-risque pourraient contribuer à combler la lacune en matière de données en finançant des études scientifiques, mais les données manquantes sont celles-là mêmes auxquelles ces sociétés se fient pour choisir les opérations qu’ils financent. « Gérer, c’est d’abord mesurer, » a remarqué une entrepreneure en technologie féminine lors d’un entretien avec RBCx. Le caractère cyclique du problème est clair. 

L’accent mis par les investisseurs sur le court terme est une barrière de plus au financement. Les sociétés de capital-risque privilégient un retour rapide sur leur investissement au détriment des projets qui présentent des perspectives de rendement à court terme limitées. Cette prédilection ne favorise pas les entreprises de technologie féminine en démarrage, qui ont généralement besoin d’investissements à plus long terme pour pouvoir effectuer la recherche et le développement, obtenir des approbations et gagner des consommateurs.

La prédominance masculine dans le secteur du capital-risque exacerbe ces problèmes. La majorité des entreprises en démarrage du secteur sont dirigées par des femmes. Toutefois, les fondatrices d’entreprises technologiques reçoivent systématiquement moins de financement que leurs homologues masculins (au Canada, 10 % seulement des opérations de capital-risque ont bénéficié à des entrepreneures en technologie féminine depuis 2014). Elles ont également moins d’occasions d’élargir leurs activités. 

Les sociétés de capital-risque fondent souvent leurs décisions sur leur compréhension personnelle d’un produit. Or, les investisseurs masculins méconnaissent généralement les enjeux de santé des femmes et l’importance des solutions pour leur santé, ou alors ils sont réticents à en parler. Kathrin Folkendt est fondatrice et cheffe de la direction de Femtech Insider, une plateforme Web consacrée à l’innovation féminine. Lors d’un récent webinaire, elle a révélé qu’on fait souvent appel à elle pour sensibiliser les investisseurs au potentiel colossal du secteur : « “Pourquoi devrions-nous investir dans un secteur qui ignore la moitié du marché ?”, “Nous avons déjà financé une entreprise de technologie féminine”, “Est-ce que le problème est vraiment si majeur ? S’il l’était, j’en aurais entendu parler.” Ces commentaires ne sont qu’un échantillon de ce que j’entends de la part des investisseurs. Ça peut être démoralisant. » 

Le fait que l’anatomie féminine est mal comprise n’aide pas. Rachel Bartholomew, fondatrice de la jeune entreprise de solutions pour la santé pelvienne Hyivy (et de Femtech Canada), renchérit : « Je passe beaucoup de temps à renseigner les investisseurs en capital-risque et à parler à leurs épouses ou à leurs filles, que l’on fait venir pour qu’elles valident l’importance de cette démarche et les aident à la comprendre. »

Éducation

Le secteur fait face à un défi supplémentaire : l’éducation des professionnels de la santé et des utilisateurs quant aux bienfaits et à l’emploi de ces technologies. Il peut être extrêmement ardu de convaincre les docteurs, gynécologues et autres fournisseurs de soins de santé d’intégrer des solutions de technologie féminine à leurs pratiques. La réticence des fournisseurs d’assurance à couvrir les coûts associés à ces technologies les rendent plus coûteuses pour les consommateurs, et donc moins accessibles, surtout pour les femmes à faible revenu. 

Les campagnes éducatives grand public diffusées sur les médias sociaux et dans la publicité peuvent, elles aussi, être freinées par le tabou placé sur les corps féminins. Par exemple, il peut être difficile pour une entreprise de technologie féminine en démarrage ciblant la santé du sein d’atteindre sa clientèle cible quand certaines plateformes (Instagram, notamment) considèrent que les images des mamelons féminins contreviennent à leurs politiques. 

L’avenir est prometteur pour la technologie féminine 

où il y a tabou, il y a lacune – et donc occasion d’affaires. À l’échelle mondiale, près de 20 milliards de dollars en capital-risque ont été investis dans le secteur de la technologie féminine, et ce chiffre ne peut qu’augmenter. 

Ce ne sont pas que les femmes qui bénéficient de cet investissement dans la santé féminine. Dans le cadre d’une étude sur la technologie féminine publiée par McKinsey, des chercheurs ont découvert que « dans toute la chaîne de valeur, un système de soins de santé inclusif et équitable sur le plan du genre pourrait aider plus de femmes à devenir inventrices, investisseuses, médecins, fondatrices, mais aussi à jouir d’une meilleure santé, ce qui est à l’avantage de tous. Nos études démontrent que les inventeurs masculins ciblant des problèmes de santé cherchent généralement des solutions aux enjeux touchant uniquement les hommes, tandis que les inventrices cherchent des solutions pour les deux genres. »

Selon une étude menée par Women’s Health Access Matters, un OSBL consacré au financement de la recherche sur la santé féminine, un investissement de 300 millions de dollars dans la santé des femmes pourrait générer plus de 13 milliards de dollars pour l’économie mondiale.

« L’occasion de marché est évidente, remarque Parneet Dehl, qui, à titre de vice-présidente au sein du groupe spécialisé Sciences de la vie à RBCx, travaille directement avec la clientèle du secteur des technologies féminines, Les investissements et le soutien à l’égard du secteur de la technologie féminine alimentent l’innovation globale et augmentent la taille du marché. »

Foire aux questions sur la technologie féminine

Qu’est-ce que la technologie féminine ?

C’est un sous-secteur technologique qui a pour objectif de trouver des solutions novatrices aux enjeux en matière de santé touchant uniquement, majoritairement ou différemment les femmes, les filles, les personnes non binaires, les personnes trans et les personnes s’étant fait assigner le genre féminin à la naissance.

Qu’est-ce qu’une entreprise de technologie féminine ?

Est ainsi caractérisée une entreprise qui se spécialise dans la conception de solutions technologiques aux maladies, aux problèmes de santé et aux indications qui touchent uniquement, majoritairement ou différemment les femmes. Ces entreprises mettent au point des produits et des services novateurs (outils de diagnostic, dispositifs, produits thérapeutiques, dispositifs portables, logiciels et applis) qui vont des applis de suivi de la fertilité et de la grossesse aux dispositifs pour la santé pelvienne et aux outils de gestion du cycle menstruel, avec un accent sur l’habilitation des femmes à prendre en charge leurs besoins particuliers en matière de santé.

Le terme « technologie féminine » est-il approprié pour parler de ce secteur ?

Oui et non. Certains considèrent que le terme est trop vague et qu’il pourrait renforcer les stéréotypes de genre en liant certaines technologies uniquement aux femmes, sans inclure les personnes trans et non binaires. D’autres affirment que l’emploi d’un qualificatif genré pour désigner ces technologies peut perpétuer la croyance que la santé féminine est un créneau restreint ou une catégorie distincte, plutôt qu’une partie intégrante de soins de santé dans leur ensemble. 

Le terme pourrait aussi simplifier à outrance les expériences et les besoins variés des femmes, puisqu’il est surtout axé sur la santé sexuelle et la santé des mères. Quoi qu’il en soit, pour beaucoup, le terme est utile pour sa capacité à mettre l’accent sur les disparités, les préjugés et le désintérêt qui perdurent dans le domaine des soins de santé (sauf exception, les femmes ont été exclues des recherches en sciences de la vie et des études cliniques jusqu’en 1997 au Canada, et en 1993 aux États-Unis) ainsi que celui de l’innovation technologique. 

Quels défis les entrepreneures doivent-elles relever ?

Malgré son immense potentiel, le secteur de la technologie féminine fait face à des obstacles considérables. Les défis que doivent relever les entreprises en démarrage du secteur comprennent des obstacles réglementaires, des exigences de validation rigoureuses, des préoccupations en matière de protection des données, et l’adoption par les professionnels de la santé. De plus, le secteur couvre une vaste gamme d’enjeux liés à la santé des femmes, ce qui engendre une fragmentation du marché et crée le besoin pour les entreprises de trouver leur créneau. 

Toutefois, la réticence persistante des sociétés de capital-risque à investir dans la technologie féminine est sans doute le plus grand obstacle que les entrepreneures doivent surmonter. Le secteur a historiquement été négligé, sous-estimé et sous-financé, en partie à cause du manque de compréhension de la part des investisseurs, majoritairement masculins. Les tabous et les préjugés touchant les enjeux liés à la santé féminine ont, eux aussi, contribué à ce que la technologie féminine soit perçue comme un marché de niche. 

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