Bien que l’innovation dans le secteur de la santé connaisse une croissance à la fois lente et stable, le marché continue de présenter un manque au chapitre de la santé des femmes. À titre de vice-présidente (VP), Sciences de la vie au sein du groupe spécialisé Sciences de la vie à RBCx, Parneet Dehl prône la croissance du marché canadien de la technologie féminine.

Depuis la pandémie, le marché de la technologie des soins de santé a évolué et est maintenant prêt à innover. En répondant aux besoins immédiats, qu’il s’agisse de télémédecine ou de mesure des paramètres physiques, les sociétés de ce secteur ont connu une hausse importante de leur croissance. Cependant, il existe une demande, sur le marché de la technologie des soins de santé, qui n’est pas satisfaite, principalement en raison du manque d’inclusion dans les secteurs des soins de santé, de la technologie et du capital-risque

La technologie féminine occupe une place de plus en plus grande au sein de l’innovation dans le milieu de la santé, où elle dessert des segments essentiels de la population. Ce secteur technologique a pour objectif d’améliorer les soins de santé pour les femmes, les filles, les personnes non binaires, les personnes trans et les personnes s’étant fait assigner le genre biologique féminin à la naissance, et ce, au moyen d’outils numériques, de produits thérapeutiques, de dispositifs médicaux, de dispositifs portables et d’autres biens de consommation. La technologie féminine englobe des aspects de la santé qui touchent exclusivement les femmes et des problèmes de santé plus généraux, comme les maladies auto-immunes, où les femmes sont surreprésentées.

À l’instar d’autres sociétés de technologie des soins de santé, le marché canadien de la technologie féminine doit composer avec le manque de financement au moment de passer de la recherche et du développement à la commercialisation. À l’heure actuelle, les innovateurs canadiens sont nombreux à s’envoler vers les États-Unis, attirés par le plus grand nombre d’occasions de financement par capital-risque et par l’accès à des investisseurs qui ont à cœur la technologie féminine. Il y a donc là une occasion de faire croître l’écosystème de la technologie féminine au Canada et de cultiver un espace propice au succès des femmes fondatrices.

Parneet Dehl, VP, Sciences de la vie, s’engage à ouvrir la voie au secteur de la technologie féminine pour alimenter la croissance de l’économie en mettant les organisations en contact avec des ressources essentielles en sol canadien. S’appuyant sur son expérience auprès de clients du domaine de la technologie féminine, elle explique en quoi consiste l’occasion de marché pour ce secteur, pourquoi une sensibilisation est nécessaire à ce chapitre et comment les fondatrices du secteur peuvent s’y retrouver dans le contexte de financement actuel.

Selon vous, pourquoi un marché de la technologie féminine est-il nécessaire ?

L’essor de tout marché commence par une nécessité de régler diverses questions pour un segment en particulier. En ce qui concerne la technologie féminine, l’objectif était de résoudre des enjeux féminins qui ne recevaient pas l’attention qu’ils méritaient. De façon plus générale, le marché de la technologie féminine souligne les lacunes en matière d’inclusion dans le secteur technologique.

Qu’il s’agisse par exemple de santé sexuelle ou de santé reproductive, le secteur de la technologie féminine a montré que les soins de santé pour les femmes sont un domaine mal desservi. De nombreux problèmes touchant les femmes sont réputés normaux en raison d’une recherche et d’une compréhension défaillantes. Les entreprises qui exercent leurs activités dans ces secteurs, comme Hyivy, mettent en lumière ce type d’enjeux et mettent au point de véritables solutions qui fonctionnent. Même au sein du marché de la technologie féminine, il existe des sociétés qui s’intéressent principalement aux questions touchant de façon disproportionnée des créneaux particuliers. Cela démontre bien l’occasion de répondre à des besoins non satisfaits, ce qui accroît le potentiel de marché.

Quel est le défi majeur pour les fondateurs du secteur de la technologie féminine ?

Les difficultés vécues par les fondateurs du secteur de la technologie féminine illustrent également la nécessité d’une expansion du marché. En effet, ils assument plusieurs rôles en plus de celui d’entrepreneurs, notamment en matière d’éducation, de défense des intérêts, de lobbying et de rédaction de demandes de subventions. Ensemble, les soins de santé et les enjeux touchant les femmes demandent une compréhension plus approfondie de la part des investisseurs et des programmes de financement gouvernementaux pour obtenir de ceux-ci les fonds qu’ils recherchent et méritent de recevoir. La sous-représentation féminine dans le secteur du capital-risque entre également en ligne de compte, les femmes comptant pour seulement 19,4 % des associés des sociétés canadiennes de capital-risque. Ce facteur important explique bien pourquoi les services et les produits technologiques féminins ne constituent pas une priorité.

Bien que les fondateurs tentent d’obtenir du financement auprès d’investisseurs spécialisés des États-Unis, le Canada offre également du soutien, notamment sous forme de programmes, de subventions et de fonds technologiques du gouvernement qui investissent dans le secteur, d’une plateforme de la BDC (Excelles – Fonds pour les femmes) et de bureaux de gestion de patrimoine familial. La diversification des portefeuilles et des investisseurs de capital-risque peut créer une base permettant au marché d’évoluer et d’apporter une innovation plus que bienvenue aux femmes, aux femmes trans et aux personnes au genre variant au Canada.

En général, les fondateurs de sociétés de technologie féminine ne reçoivent pas suffisamment de financement. Pourquoi ?

En prenant un pas de recul pour examiner le secteur dans son ensemble, nous découvrons qu’il s’agit avant tout d’un problème d’éducation. Les questions de santé des femmes sont souvent regroupées dans la catégorie des « maladies liées au mode de vie », où le financement et la recherche sont négligés. Comme une fondatrice l’a fait remarquer, les femmes ne sont autorisées à participer à la recherche scientifique que depuis la fin des années 80 et le début des années 90. En fait, ce n’est qu’en 1997 que les essais cliniques canadiens ont commencé à faire appel à des femmes.

Dans le cadre de son travail auprès de plusieurs sociétés de technologie féminine, l’équipe de RBCx a relevé quelques tendances en discutant avec les fondateurs. L’un d’entre eux a notamment déclaré : « Gérer, c’est d’abord mesurer. » Pour les sociétés de capital-risque et les institutions, il n’existe actuellement aucun cadre ou paramètre de mesure pour les types d’opérations qu’elles financent. À cela s’ajoute le manque de connaissances et de compréhension, au sein du secteur du capital-risque, à l’égard du marché de la technologie féminine. Comme il s’agit d’un domaine relativement nouveau, les investisseurs ne disposent pas des indices de référence appropriés auxquels comparer les entreprises. La plupart des sociétés de technologie féminine exercent des activités dans le secteur des dispositifs médicaux, des produits de consommation ou des dispositifs portables. Elles y sont évaluées par rapport à la trajectoire d’autres produits de ces secteurs, sans que l’enjeu de santé féminine visé soit pris en compte en raison du manque de recherche et d’autres facteurs externes.

En ce qui concerne les investissements, l’autre problème est que les entreprises de ces secteurs ont besoin de capital « très patient ». Les investisseurs ont souvent de la difficulté à justifier les longs délais, en particulier si d’autres produits leur permettent d’offrir un rendement plus rapide à leurs commanditaires. C’est ici que la sensibilisation à l’égard du secteur peut être utile, appuyée par le soutien du gouvernement.

De plus, dans la plupart des entreprises de technologie féminine, les fondatrices et les cheffes de la direction sont des femmes. Une étude de 2022 de McKinsey and Company révèle que 70 % des sociétés de technologie féminine sont dirigées par des femmes. Selon les recherches, les entreprises du Canada dirigées par des femmes reçoivent démesurément moins de financement des investisseurs, le montant moyen fourni aux entreprises qui appartiennent à des hommes étant environ 150 % plus élevé. D’un autre côté, comme je l’ai déjà mentionné, les investisseurs ne présentent pas une grande diversité de genre. Cela fait donc en sorte que la fondatrice doit redoubler d’efforts pour que l’investisseur comprenne la pertinence de la technologie féminine.

Étant donné que la technologie féminine joue un rôle dans le secteur des sciences de la vie et des soins de santé, quels sont les défis uniques avec lesquels elle doit composer ?

Tout au long du parcours des sociétés de technologie féminine, la gestion du capital constitue le plus grand défi opérationnel. Tout comme pour d’autres types d’organisations du secteur des sciences de la vie et des soins de santé, les fondatrices doivent passer par de longues phases de recherche, organiser des essais cliniques et satisfaire à des exigences réglementaires pour valider leurs innovations. Le processus de commercialisation prend plus de temps, ce qui peut aller à l’encontre de la philosophie de l’écosystème de la technologie et de l’innovation consistant à « aller vite et bouleverser les choses ». Comme nous l’avons déjà mentionné, la technologie féminine est désavantagée dès le départ par le manque de connaissances et de soutien envers ce marché, de sorte que ces sociétés rivalisent avec d’autres organisations des sciences de la vie et des soins de santé dans la course aux investissements. Cela étant dit, nous commençons à voir apparaître des incubateurs et des accélérateurs qui travaillent avec des sociétés de technologie féminine sur la façon de représenter et de vendre cette technologie aux investisseurs en fournissant plus de données auxquelles les comparer au cours du processus de contrôle diligent. Je crois aussi que les programmes gouvernementaux du Canada nous offrent des bases solides.

En plus du capital, il existe notamment des occasions de mentorat. En raison du manque de connaissances et de soutien et de la sous-représentation des femmes dans les secteurs de la technologie et du capital-risque, les nouvelles fondatrices de sociétés de technologie féminine qui ont besoin d’un coup de pouce ont parfois de la difficulté à trouver un mentor. La tendance commence toutefois à s’inverser tandis que de plus en plus de particuliers, de fondateurs et d’investisseurs offrent leur soutien à la communauté. La clientèle de RBCx comprend d’ailleurs des sociétés canadiennes de technologie féminine que nous appuyons à titre de conseillers.

Récemment, Femtech Canada a également lancé un réseau visant à soutenir l’innovation enliée à la santé des femmes dans le but de commencer à relever certains de ces défis uniques par l’entremise de réseautage, de formation, de mentorat et de soutien consultatif en matière de collecte de fonds.

Qu’est-ce qui a contribué à la réussite des sociétés de technologie féminine au Canada et à l’échelle mondiale ?

Les fondateurs, et plus particulièrement les femmes fondatrices.

La majorité de celles avec qui nous nous sommes entretenus ont de l’expérience dans le milieu des affaires – nous avons même rencontré une entrepreneure en série. Toutefois, ce qu’elles ont toutes en commun, c’est qu’elles ont lancé leur entreprise parce que l’enjeu qu’elles tentent de résoudre les touche personnellement. Ces fondatrices sont donc motivées par un aspect personnel qui les pousse à passer de l’idéation à la commercialisation. Bien qu’elles fassent appel à des experts lors des premières étapes, elles sont les mieux placées pour raconter l’histoire derrière la science.

En ce qui a trait aux soins de santé, les entreprises en démarrage ont également cherché des occasions de s’allier à des hôpitaux, à des organisations de soins de santé, à des ministères de santé publique et à des organismes non gouvernementaux (ONG). Cette approche est celle employée par de nombreuses sociétés de technologie des soins de santé, puisqu’elle leur permet de prendre de l’expansion et de donner de la crédibilité à leurs produits. La commercialisation de ces produits et services auprès d’un nombre croissant d’utilisateurs peut par ailleurs contribuer à faire connaître les enjeux de santé des femmes et améliorer la diversité des offres sur le marché.

Qu’est-ce que les investisseurs doivent comprendre de l’occasion en technologie féminine sur le marché canadien ?

Tout d’abord, le Canada doit rattraper le marché américain au chapitre du financement. Face à l’innovation importante qui se produit ici, nous avons besoin de plus d’investisseurs pour pouvoir amasser du capital patient visant à alimenter la croissance de ce secteur.
La valeur prévue du marché de la technologie féminine pour 2025 est estimée à plus de 4,8 billions de dollars américains. L’occasion de marché ne laisse planer aucun doute, d’autant plus que les femmes représentent 50 % de la population. Cependant, comme avec toute nouvelle innovation, il existe une perception de risque. La technologie féminine doit être traitée de la même manière que les initiatives d’investissement en matière d’environnement, de responsabilité sociale et de gouvernance (ESG), c’est-à-dire que les sociétés de capital-risque doivent faire preuve d’une grande rigueur au moment d’évaluer la mise en marché de ces produits et services. C’est sans compter qu’il s’agit d’une occasion de développer un secteur mal desservi, de participer à son essor et d’envoyer un signal clair au marché.

Surtout, la technologie féminine vient combler un manque sur les marchés existants quant aux enjeux qui touchent les femmes de manière disproportionnée. Par exemple, le marché des produits liés à des maladies comme les maladies auto-immunes et la maladie d’Alzheimer se contractera si les solutions ne sont pas inclusives envers les femmes. Les investissements et le soutien à l’égard du secteur de la technologie féminine alimentent l’innovation globale et augmentent la taille du marché – essentiellement, les sociétés se partagent les parts d’un plus gros gâteau.

Cette entrevue a été modifiée pour des raisons de longueur et de clarté.

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