Félicitations à Jason Kelly et à toute l’équipe de Ginkgo Bioworks, après l’annonce aujourd’hui de la fusion d’une valeur de 15 milliards de dollars avec Soaring Eagle, la société d’acquisition à vocation spécifique dirigée par Harry Sloan. Cette étape importante marque le début d’une longue aventure.

En bref, Ginkgo élabore une plateforme qui permettra de programmer les cellules aussi facilement qu’un ordinateur ; elle ouvre ainsi la voie à une utilisation novatrice de la biotechnologie dans divers marchés, de l’alimentation à l’agriculture en passant par les produits chimiques industriels et le secteur pharmaceutique.

Même si leur histoire a commencé lorsqu’ils étaient doctorants au MIT, Sid Paquette et moi-même avons rencontré Jason Kelly et son équipe il y a quelques années, car nous envisagions d’investir dans leur financement de série E. Je m’étais récemment lancé dans le placement en capital-risque après avoir fondé puis quitté une entreprise qui fabriquait des tests génétiques pour le grand public. Familiarisé avec ce domaine, je savais que la biologie pouvait transformer le monde. Ginkgo était l’une des entreprises que je suivais de loin, principalement parce ses travaux me fascinaient.

La genèse de Ginkgo est encore plus incroyable qu’un roman. Imaginez un professeur d’informatique, parrain de la biologie synthétique, et ses étudiants en doctorat, qui ont vu dans la nature quelque chose à laquelle peu de gens, à l’époque, prêtaient attention. Ils ont remarqué que le monde naturel se comportait un peu comme un programme informatique, l’ADN jouant un rôle essentiel à la base de toute forme de vie. Voici ce qu’en pense Jason Kelly :

L’ADN est le code numérique au cœur de la biologie. Nous sommes maintenant en mesure de lire ce code, grâce au séquençage, et de l’écrire, grâce à la synthèse. Or, si vous pouvez lire et écrire un code, vous pouvez le programmer.

Cette « singularité » a engendré une thèse presque omniprésente dans la culture de notre génération. À certaines variantes près, l’idée veut que les robots puissent un jour être doués d’intelligence et de sensation, que grâce à cette sensation, ils parviennent à s’organiser et que face à leur superintelligence, l’humanité devienne obsolète. La notion de compréhension de soi et d’introspection est implicite dans ce scénario : ces robots hypothétiques comprendront les mécanismes qui les constituent dans les moindres détails et seront capables de les réparer ou de les améliorer. En considérant les choses sous cet angle, ce sont nous, les humains, qui quatre milliards d’années après l’apparition de la vie sur Terre, sommes arrivés au point de singularité.

Avant de continuer, il est bon de rappeler que la biologie de synthèse en est encore à ses balbutiements ; l’édition du génome humain à grande échelle n’est pas pour demain. Cependant, nous sommes déjà en mesure de modifier et d’écrire, de façon fiable et systématique, les gènes de cellules simples, comme des bactéries ou des levures, afin de fabriquer des produits nouveaux ou meilleurs (et rentables). C’est simple : il suffit de synthétiser une chaîne d’ADN avec des instructions codées, d’insérer la séquence dans la cellule hôte et de fermenter cette cellule selon un procédé industriel afin d’obtenir le produit visé par la séquence d’ADN. Aujourd’hui, nous pouvons utiliser les possibilités de programmation du vivant pour créer une liste interminable de produits, comme les terres rares, les parfums, les biocarburants et les ingrédients alimentaires, pour ne citer qu’eux.

À mon avis, le paradigme de la biologie synthétique peut se résumer en trois propositions :

Premièrement, les possibilités en matière de séquences génomiques et de circuits génétiques dérivés se multiplient de manière exponentielle.

Deuxièmement, chaque fois que nous testons une nouvelle combinaison génétique, obtenue par édition ou par synthèse, nous accumulons des données et des connaissances, de sorte que nous pouvons peu à peu améliorer et affiner nos interventions.

Troisièmement, plus nos infrastructures de robotique et d’automatisation sont solides et plus nous pouvons essayer de combinaisons abordables, plus notre base de données de combinaisons possibles augmente. Au final, cela nous permettra d’exploiter la base de données et d’éliminer l’intuition humaine du processus de génie génétique ; le processus pourra être confié à des algorithmes d’apprentissage machine de plus en plus sophistiqués. D’après moi, ce dernier élément sera le moteur de la biologie synthétique. Plus on élargit l’échelle, plus le coût des essais diminue. En augmentant le nombre de combinaisons mises à l’épreuve, nous avons plus de chances d’en obtenir de meilleures dans l’avenir. Si les combinaisons s’améliorent, la demande de produits synthétiques augmentera et permettra d’accroître l’échelle.

Ginkgo excelle à ce cercle vertueux qui assurera la prospérité de l’entreprise. Bien que nous n’ayons pas effectué l’investissement, Jason Kelly et moi-même avons longuement parlé d’évaluation, pas tant de celle de Ginkgo que des défis méthodologiques liés à l’évaluation des sociétés de ce secteur. (Nous avons finalement convenu qu’une approche descendante fondée sur les parts de marché était la plus sensée.) Bien que la capitalisation boursière de près de 20 milliards de dollars soit impressionnante, je croyais à l’époque, et j’en reste convaincu, que les valorisations actuelles sous-estiment de façon chronique l’occasion du marché.

La biologie synthétique est un vecteur du secteur des sciences de la vie qui prend son essor au Canada et en Amérique du Nord. C’est pourquoi nous y consacrons plus de ressources : nous avons une équipe de spécialistes des sciences de la vie du côté des services bancaires et du crédit, qui travaille en étroite collaboration avec nos collègues des marchés des capitaux. Andrew Callaway, Noel Brown et l’équipe dirigent des activités de banque d’investissement de premier plan axées sur le secteur mondial des soins de santé.

L’avenir des sciences de la vie et de la biotechnologie s’annonce passionnant en Amérique du Nord !

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