Zoë Butson est VP, Capital à RBCx, où elle se spécialise dans le financement de fonds et le crédit. Mme Butson conseille les entreprises de capital-risque et de capital croissance sur la formation en matière de fonds et la gestion de ceux-ci, en plus d’appuyer la stratégie globale de placement dans des fonds de fonds de l’équipe Capital.

Alors que les marchés privés continuent de croître à la fois en valeur absolue et en termes relatifs, la pression pour que les gestionnaires de fonds génèrent des rendements supérieurs pour leurs investisseurs ne cesse d’augmenter. Bien que la prise de décisions de placement éclairées demeure le principal moyen de générer des rendements, une autre composante moins évidente, qui fait néanmoins partie intégrante du processus, est la gestion responsable des fonds, dont les facilités d’appel de capital sont une fonction clé. Les facilités d’appel de capital, aussi appelées prêt d’appel de capital, sont de plus en plus répandues dans l’écosystème des fonds privés, et ce, à juste titre. Le présent document donne un aperçu du fonctionnement des facilités d’appel de capital, des avantages de leur utilisation, de la structure courante de leurs modalités et des raisons pour lesquelles nous croyons qu’elles représentent un ajout important aux fonds privés à structure classique.

Avant de nous pencher sur la cinétique des facilités d’appel de capital, commençons par un aperçu général des opérations d’un fonds à capital fixe du marché privé classique. L’image ci-dessous illustre une structure simplifiée d’un fonds de capital de risque (« CR ») standard.

simplified structure of a standard venture capital (“VC”) fund - FR

Les fonds de placement de marché privé institutionnels gèrent le capital de divers tiers, y compris des investisseurs institutionnels comme les caisses de retraite, les fonds de dotation et les grandes sociétés, ainsi que celui d’investisseurs non institutionnels, comme les bureaux de gestion de patrimoine familial et les particuliers fortunés. Lorsqu’un fonds de CR ou un fonds de capital-investissement (« FCI ») est constitué, les gestionnaires du fonds (aussi appelés les « commandités ») sollicitent des investisseurs potentiels pour obtenir des apports en capital. Les investisseurs dans les fonds de placement de marché privé sont appelés les commanditaires.

Le commandité du fonds est responsable de la gestion du fonds au nom des commanditaires tout au long de la durée de vie du fonds (généralement 10 ans). Le commandité doit recueillir les engagements de capital des investisseurs, prendre les décisions de placement et faire un appel de capital auprès des commanditaires pour financer leurs placements dans des sociétés de portefeuille (plus de détails à ce sujet ci-dessous). Les commandités sont aussi souvent tenus d’engager du capital personnel dans le fonds pour signaler à leurs commanditaires qu’ils sont prêts à investir leur propre capital, ce qui permet d’harmoniser leurs intérêts avec ceux des commanditaires en plus de les inciter à prendre des décisions de placement éclairées.

Les gestionnaires de fonds créent souvent une société de gestion distincte qui est responsable de l’administration du fonds, de l’emploi des commandités et de la gestion des activités et des dépenses de l’entreprise (p. ex. les salaires, frais de justice, frais de déplacement, etc.).

Pour illustrer tout ce dont nous avons discuté jusqu’à maintenant, prenons l’exemple d’un gestionnaire de fonds qui a réussi à recueillir 100 millions de dollars en engagements auprès des commanditaires. Le commandité dispose maintenant d’un fonds de 100 millions de dollars pour faire des investissements, mais ces 100 millions de dollars n’ont pas été déposés dans son compte bancaire. Lorsque les commanditaires s’engagent à contribuer à un fonds, c’est exactement ce qu’elles font ; elles s’engagent à y contribuer lorsqu’elles seront sollicitées à cette fin, à une date ultérieure. Un engagement de capital est essentiellement une promesse au gestionnaire de fonds, aux termes de la loi, de fournir les fonds demandés sur demande du commandité. Cette demande de capital est communément appelée un « appel de capital ». Dans des circonstances normales, si un gestionnaire de fonds veut investir dans une société, il enverra un avis d’appel de capital à ses commanditaires dans les 10 à 15 jours ouvrables précédant la date du placement.

Ce qu’il est important de retenir ici, c’est qu’en l’absence d’une facilité de crédit, chaque fois qu’un gestionnaire de fonds veut faire un placement, il doit frapper à la porte de ses commanditaires pour demander des fonds au moins 10 jours ouvrables avant la date de placement prévue. Les fonds peuvent avoir entre 10 et plus de 200 commanditaires. On imagine facilement la lourdeur administrative d’un appel de capital exigeant de s’assurer que tous les commanditaires ont envoyé les fonds par télévirement avant la date de placement prévue. Non seulement ce processus onéreux nuit à la capacité du fonds d’exécuter rapidement les opérations concurrentielles ou dont le délai est critique, mais si un seul commanditaire tarde à s’engager, celui-ci peut nuire à l’exécution du placement.

C’est là que les facilités d’appel de capital entrent en jeu. Ces facilités de crédit sont maintenant presque omniprésentes chez les gestionnaires de fonds, puisqu’elles sont avantageuses tant pour les commandités que pour les commanditaires.

Avantages d’une facilité d’appel de capital pour les commandités et les commanditaires

Les facilités d’appel de capital ont été conçues pour aider les gestionnaires de fonds à couvrir le délai entre le moment où le fonds fait un placement dans une société et le moment où les apports en capital sont demandés aux commanditaires pour financer ce placement. L’utilisation de telles facilités permet à un fonds de réduire efficacement la fréquence des appels de capital à une ou deux fois par an, ce qui diminue le fardeau opérationnel important pour les commandités et les commanditaires.

Une fois la facilité d’appel de capital en place, les commandités peuvent puiser dans cette facilité pour effectuer plusieurs investissements, puis faire un appel de capital et rembourser la marge à un rythme prédéterminé, ce qui s’avère plus efficace que les appels de capital individuels devant être faits pour chaque investissement. Au lieu d’avoir à planifier leurs placements plusieurs semaines à l’avance afin de recueillir les fonds à temps, les commandités peuvent accéder rapidement aux liquidités, ce qui leur permet de financer à la fois le coût des placements et les frais globaux du fonds. Cela dit, les avantages des facilités d’appel de capital ne sont pas exclusivement d’ordre administratif.

Le taux de rendement interne (« TRI ») est le paramètre principal utilisé pour évaluer le rendement du fonds. Le TRI représente les rendements annualisés du fonds depuis la création jusqu’à une date précise. Le TRI est important, car il intègre la valeur temporelle de l’argent (p. ex., un dollar aujourd’hui vaut plus qu’un dollar demain, et sans aucun doute plus qu’un dollar dans dix ans).

Ce qui est crucial dans ce cas-ci, c’est que le TRI commence à être calculé lorsque l’appel de capital est lancé auprès des commanditaires, et non lorsqu’un placement est réellement effectué. Si un commandité peut effectuer un placement en empruntant de l’argent plutôt qu’en procédant à un appel de capital auprès de ses commanditaires, les commanditaires sont en mesure de conserver leur capital plus longtemps et, par conséquent, de générer des rendements additionnels sans aucune conséquence négative sur le compte du fonds.

Pour donner un exemple simple, supposons qu’un fonds investit dans une société et que trois ans plus tard, la valeur de la société triple. Dans le premier scénario, le commandité du fonds appelle immédiatement les commanditaires, et dans le deuxième scénario, le commandité emprunte à 5 % d’intérêts et reporte son appel de capital d’un an. Dans le premier scénario, le placement enregistrerait un TRI de 44 %, alors que dans le deuxième scénario, il enregistrerait un TRI de 66 % après avoir comptabilisé les versements d’intérêts de 5 %, ce qui représente un écart important. Ce n’est pas négligeable. Dans le deuxième scénario, le commandité a réussi à doubler la valeur de son placement en deux ans au lieu de trois. Lorsque l’on extrapole ces résultats à l’ensemble du fonds, l’incidence sur les commandités et les commanditaires devient notable. La gestion du fonds amplifie ainsi les décisions de placement judicieuses qui optimisent la valeur économique totale.

Comme il a été mentionné dans le scénario précédent, les commanditaires sont des investisseurs avertis qui investissent généralement dans plusieurs catégories de titres. Souvent, les commanditaires promettent des engagements de capital à plusieurs fonds privés et doivent relever le défi d’équilibrer leurs liquidités en fonction des délais souvent imprévisibles des appels de capital. Comme les gestionnaires de fonds effectuent des placements régulièrement, il se peut très bien qu’il y ait à peine quelques semaines entre les placements et le moment où le fonds procède à des appels de capital auprès des commanditaires à plusieurs reprises. Il est difficile pour les commanditaires de s’assurer qu’ils exécutent chaque appel de capital en temps opportun, surtout s’ils ont plusieurs positions dans des fonds privés où les appels ont lieu de façon sporadique. De plus, un coût d’opportunité important découle du fait de conserver des liquidités destinées à un capital, alors qu’elles pourraient générer un rendement ailleurs. Par conséquent, les fonds qui n’ont pas la capacité de planifier les appels de capital au moyen de facilités d’appel de capital sont beaucoup moins attrayants pour les commanditaires que ceux qui utilisent de telles facilités.

Comment fonctionnent les facilités d’appel de capital ?

Les facilités d’appel de capital sont souscrites dans le cadre des engagements de capital des commanditaires. Elles sont généralement structurées de façon à ce que des fonds puissent être retirés de la facilité, remboursés plusieurs mois plus tard, puis retirés de nouveau, au besoin, pendant toute la durée du fonds. Il est important de noter que les prêteurs ne touchent généralement pas aux placements sous-jacents d’un fonds, de sorte que le prêt n’a aucune incidence sur les actifs des sociétés de portefeuille. Bien que les prêteurs n’utilisent pas les actifs sous-jacents, ils peuvent restreindre les distributions aux commanditaires en cas de défaut de la facilité de crédit.

La garantie sur ces facilités comporte habituellement une sûreté à l’égard des engagements de capital non appelé. Le prêteur a ainsi le droit d’imposer des appels de capital et de faire respecter les engagements de versements. Il peut également recevoir le produit de ces appels de capital pour rembourser la facilité.

Les modalités de la facilité dépendent principalement des commanditaires du fonds et des conditions énoncées dans la section sur l’emprunt de l’entente de société en commandite simple d’un fonds. L’entente de société en commandite simple d’un fonds devrait permettre explicitement au fonds de contracter des emprunts, d’accorder une garantie sur les engagements de capital non appelé des commanditaires et de faire des appels de capital.

Les ententes de société en commandite simple d’un fonds permettent généralement d’emprunter à hauteur de 15 % à 20 % du total des engagements de capital et stipulent généralement que les emprunts doivent être remboursés dans les 180 ou 365 jours.

Comment les prêteurs évaluent-ils ces facilités ?

Sans égard à ce qui est permis dans l’entente de société en commandite simple d’un fonds, le degré de souplesse que les prêteurs sont en mesure d’offrir dépend des commanditaires qui composent le fonds et, ultimement, du niveau de capital institutionnel des commanditaires. Comme les facilités d’appel de capital sont assorties d’une garantie à l’égard des engagements de capital des investisseurs, les prêteurs doivent avoir la certitude que les commanditaires sous-jacents fourniront du capital en temps opportun lorsque le commandité émettra un avis d’appel de capital.

Si vous vous mettez à la place d’un prêteur, il est assez facile de comprendre pourquoi vous seriez plus à l’aise de prêter à un fonds dont la part du lion des engagements de capital provient d’investisseurs institutionnels de catégorie investissement (comme les banques de l’annexe I, les caisses de retraite, les sociétés d’État, sociétés cotées, etc.) plutôt qu’à un fonds dont la majeure partie des engagements provient de particuliers fortunés et de bureaux de gestion de patrimoine familial. Puisque les engagements de capital ne sont essentiellement qu’une promesse de versement, le prêteur doit avoir l’assurance que, lorsqu’ils seront appelés à le faire, les commanditaires avanceront les fonds.

Bien que les particuliers fortunés et les bureaux de gestion de patrimoine familial puissent disposer de liquidités importantes, avoir des pratiques de gestion solides, jouir d’une bonne solvabilité et être des commanditaires de premier ordre, le défi auquel sont confrontés les prêteurs découle de l’asymétrie de l’information. Les prêteurs ont tendance à être moins à l’aise avec ces commanditaires en raison du manque d’information, tandis que l’information importante concernant les commanditaires institutionnels est accessible au public.

Modalités habituelles et processus liés aux fonds

Habituellement, les fonds mettent en place une facilité d’appel de capital en même temps que leur première clôture, afin de pouvoir tirer parti de leur facilité pour financer les placements et les frais du fonds sans avoir à faire un appel de capital auprès de leurs commanditaires initiaux.

Une fonction clé de la facilité d’appel de capital est la « base d’emprunt », qui permet d’adapter le montant disponible de la facilité à mesure que le fonds procède à d’autres clôtures. Revenons à notre exemple de fonds de 100 millions de dollars. Disons que l’entente de SCS de ce fonds lui permet d’emprunter jusqu’à concurrence de 20 % du capital engagé total, et que les emprunts peuvent demeurer en circulation pendant un maximum de 365 jours. Supposons en outre que 80 % des engagements de capital proviennent d’investisseurs institutionnels de catégorie investissement, et que les 20 % restants sont des engagements de particuliers fortunés. Étant donné que ce fonds est composé de commanditaires solides, les prêteurs sont susceptibles de lui offrir une période de remboursement de 365 jours et une facilité de 20 millions de dollars (la totalité des 20 % du capital engagé conformément à l’entente de société en commandite simple du fonds).

À première vue, le fonds semble disposer d’une facilité de 20 millions de dollars dont il peut tirer profit, mais ce n’est pas toujours le cas en raison de la façon dont les facilités d’appel de capital sont généralement couvertes. Dans notre exemple, les modalités habituelles de la base de calcul du plafond d’emprunt pouvant être offertes au fonds couvriraient la disponibilité de la facilité d’appel de capital au moins élevé des montants suivants :

  1. le montant de la facilité (20 M$ – Selon l’estimation du fonds tenant compte de l’éventuelle clôture d’un fonds de 100 M$, et en tenant compte de la volonté du prêteur de fournir une facilité de 20 %) ;
  2. 20 % du total des engagements de capital; et
  3. 50 % du capital non appelé total de tous les commanditaires.

La couverture par des garanties d’un pourcentage du total des engagements de capital permet aux prêteurs de fournir des fonds dans le cadre des facilités d’appel de capital à la première clôture du fonds, à un montant lié au total des engagements de capital à ce moment, tout en permettant, simultanément, à la disponibilité de la facilité de croître à mesure que le fonds obtient de nouveaux engagements. Par exemple, un fonds pourrait viser une première clôture de 50 millions de dollars si son objectif de clôture final est de 100 millions de dollars. Une première clôture permet au fonds de commencer à faire des placements.

À la première clôture de 50 millions de dollars, la formule de calcul de la couverture ci-dessus se fonderait sur le moindre des montants suivants :

  1. 20 M$ (le montant de la facilité)
  2. 10 M$ (20 % du total des 50 M$ en engagements de capital)
  3. 25 M$ (50 % du total des 50 M$ en capital non appelé [aucun appel de capital n’a eu lieu])

Étant donné que le montant de 10 M$ (b) est le moins élevé dans la formule de la base de calcul du plafond d’emprunt, les fonds libérés suivant la première clôture de 50 M$ permettraient au fonds de prélever jusqu’à 10 M$ sur sa facilité. Lorsque le fonds procèdera à la clôture de sa cible de 100 M$, les éléments a) et b) de la formule de calcul de la couverture seront équivalents, et le fonds aura la capacité d’emprunter la totalité des 20 M$.

La couverture d’un pourcentage du capital non appelé par des garanties fait référence au montant total du fonds qui n’a pas encore été versé par les commanditaires. Par exemple, si un fonds de 100 M$ émet quatre appels de capital de 10 M$ chacun, le montant de capital non appelé restant dans le fonds est de 60 M$. Cette tranche de la formule de calcul de la couverture ne sera pertinente que pendant la dernière étape de la période de placement du fonds, lorsqu’il aura déployé et appelé la majorité du capital du fonds (ce qui est illustré en c) dans la formule ci-dessus), et elle ne sera activée que lorsque le fonds aura appelé plus de 60 M$ [50 % x 39 999 999 $ du capital non appelé est inférieur à la facilité de 20 M$]). La couverture du capital non appelé par des garanties signifie que la disponibilité au titre de la facilité diminuera à mesure que le fonds aura moins de capital à déployer, dans les dernières étapes de sa durée de vie.

Conclusion

Quatorze ans après la crise financière de 2008, les marchés privés sont presque méconnaissables en grande partie en raison de la prolifération des produits de financement de fonds, comme les facilités d’appel de fonds. Les facilités d’appel de capital sont devenues un élément fondamental de la gestion moderne des fonds, et ils sont désormais utilisés par tous les gestionnaires de fonds privés à l’échelle mondiale.

La principale proposition de valeur des facilités d’appel de capital est qu’ils offrent une solution de rechange nettement supérieure au processus administratif classique des appels de fonds en réduisant la fréquence des appels de capital, ce qui permet aux fonds d’effectuer des placements rapidement, tout en améliorant le TRI du fonds. La demande pour ces facilités est justifiée, puisque les avantages s’étendent non seulement aux gestionnaires des fonds, mais aussi à leurs commanditaires, ce qui en fait un outil de gestion des fonds significatif.

Dans un prochain article, nous discuterons d’autres types de solutions financières novatrices qui pourraient permettre aux fonds de continuer à innover et à optimiser les rendements de leurs commanditaires. Restez à l’affût du prochain article et communiquez avec l’équipe Capital de RBCx pour en savoir plus.

Cet article n’offre que des informations générales. Il est à jour à la date de publication et ne constitue pas un avis juridique, financier ou autre conseil professionnel. Un conseiller professionnel devrait être consulté au sujet de votre situation particulière. Bien que les informations présentées soient considérées comme factuelles et actuelles, leur exactitude n’est pas garantie et ne doit pas être considérée comme une analyse complète des sujets abordés. Toutes les expressions d’opinion reflètent le jugement de l’auteur ou des auteurs à la date de publication et sont sujettes à changement. Aucune approbation de tiers ou de leurs conseils, opinions, informations, produits ou services n’est expressément donnée ou implicite par RBC Entreprises Inc. ou ses sociétés affiliées.
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